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Souvoir, village reculé de la France du Nord

Quelque part en France du Nord, à une cinquantaine de kilomètres au sud de Paris — remplacé par une mer intérieure —, Souvoir, un village abandonné par l’Etat comme tant d’autres en France du Nord :

 

Lorsque je reçu mon affectation au diocèse de Souvoir, il y a déjà quinze années de ça, je dû aller voir sur une carte de la région comment y accéder. Non pas que Souvoir fut bien plus petit que le bourg d'où je venais – on venait d'y célébrer le centième habitant –, simplement les routes en zone rurale de nos jours sont généralement inaccessibles, ou en tout cas  peu utilisées. Mon prédécesseur, un père de formation jésuite, avait disparu brutalement, ne laissant aucune trace, aucune explication. La population n'avait pas semblé s'en étonner tellement le fait semblait bénin. Il avait dû, de ce qu'on en dit, sortir après le couvre-feu. Cela semblait la seule explication logique, puisque cet hiver-là, même la charrette mensuelle qui apporte farine et fruits secs n'avait pu emprunter la route.

La population reste assez discrète sur les raisons de ce couvre-feu. Lors de confessions, il m'arrivait d'entendre quelques bribes sur le sujet, mais il m'est bien difficile d'en tirer quelque chose de cohérent. Tout ce que je sais, c'est que peu après une réunion semi-publique organisée par le chef de la commune, Monsieur Diserdy, à laquelle j'étais cordialement invité à ne pas me rendre – après tout, je suis aujourd'hui et resterai toute ma vie un étranger de Souvoir –, un groupe d'archéologues est venu. Quand je dis venu, je n'entends pas qu'ils sont venus à cheval, comme l'aurait fait n'importe quel homme important de nos sociétés rurales. Non, ces rustres avaient trouvé nécessaire d'utiliser un de ces engins motorisés, une marque de supériorité bien affichée par ces gens de la ville. La ville est pour moi et pour mes concitoyens des villages un concept curieux. Bien entendu, aucun d'entre nous n'y a jamais mis les pieds, et les quelques échanges commerciaux restaient à ce jour le seul intérêt mutuel de nos deux mondes.

Qu'avait donc pu annoncer le chef communal qui eût fait venir cette demi-douzaine de gaillards, habillés comme si c'était tous les jours dimanche ? Peut-être ne le saurai-je jamais. Je sais en tout cas qu'ils sont bons pour l'économie locale, et que la fréquentation du bar de l’auberge a doublé depuis leur arrivée. Ils se sont installés dans le bureau de la Compagnie d'archéologie nord française, chez ce De Rouesse

A mon grand regret, ces hommes sont tous comme la moitié de Souvoir, des âmes perdues. L'ordre œcuménique nord-français, dont le bien-fondé était établi dans nos régions, laisse place peu à peu à des pensées païennes. Le Muhammadisme et le Gudulisme ont perverti bon nombre de fidèles. Heureusement pour nous, la Foi subsiste encore dans ces régions reculées, mais pour combien de temps encore ? Nous n'apportons pas toutes les réponses. Nous ne pouvons expliquer ces disparitions répétées. En revanche, ces sectes ont inventé des déités pour cela. Tout le monde sait que les moutons sont perdus quand il y a deux bergers. Hélas, le berger qui crie le plus fort est souvent celui que les moutons suivent. Je suis obligé désormais de tenir des messes quotidiennes. En plus de maintenir une pression spirituelle, cela permet de communier avec ces gens. C'est pour leur bien, après tout. Et puis, un sacrifice de temps en temps sur l'autel ravive fortement la flamme religieuse chez les gens.

Et dire que si je n'avais pas réussi le tour de force de convertir la fille du chef de la commune, j'aurais sans doute moi aussi été amené à disparaître. Le jeu politique local est dur pour les immigrés. D'ailleurs, Souvoir ne souffre d'aucune police. A vrai dire, quel en serait le besoin ? Ceux qui ne suivent pas les rangs tombent. Ceux qui sortent après vingt heures disparaissent. Et ceux qui désobéissent à la bienséance publique n'ont généralement pas le temps de venir faire leur dernière confession…

 

Mgr. Jean-Jak KRINTIGNAN.

Ordre oecuménique, Confrérie apostolique du Livre de Jean.

Notes personnelles.

Souvoir :

Cette bourgade malsaine & arriérée est un hommage à la ville d'Innsmouth de l'écrivain H.P. LOVECRAFT. Elle permet d'apporter une autre ambiance, glauque & quasi-médiévale, avec des autochtones aux croyances sectaires perverties coupés du monde réel.

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